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Pierre Thery

Pierre Théry Musée de la Résistance

N.N. 102 385.

Pierre Jules Alexandre Théry est né le 29 mars 1925 à Éperlecques, dans le Pas-de-Calais. Son père Lucien est ancien combattant et mécanicien à Ailly-sur-Noye dans la Somme, et sa mère Madeleine était ouvrière de filature à Watten dans le Nord avant leur mariage en juin 1924. En 1927, la faillite de son père oblige la famille à prendre un nouveau départ dans l’agglomération de Dunkerque dans le Nord, où Lucien devient chauffeur de taxi. Pierre, aîné d’une fratrie de cinq enfants, est catholique et fait sa première communion vers 1935-1936. Après l’école primaire, il étudie à l’École pratique de commerce et d’industrie de Dunkerque comme ajusteur ou tourneur.

En mai 1940, la « drôle de guerre » commencée en septembre 1939 prend brutalement fin avec l’invasion de la France par l’armée allemande et les premiers bombardements de Dunkerque. Dans ce contexte, la famille choisit de partir. La voiture de Lucien n’a que neuf places, qui accueillent les deux parents, les trois enfants et quatre voisines. Pierre, âgé de 15 ans, et son frère Serge, âgé de 14 ans, doivent donc partir à vélo. Le rendez-vous est fixé à Blois dans le Loir-et-Cher, où Lucien s’était déjà réfugié pendant la Première Guerre mondiale, pour ensuite se diriger vers Limoges après les bombardements de Blois. Mais avec la défaite de juin 1940, la famille choisit de retourner dans le Loir-et-Cher, ne pouvant regagner le Nord à cause de l’occupation. Elle vient de subir l’expérience traumatisante de l’exode, comme pour 7 à 8 millions de Français et 2 millions de Belges. Pierre a parcouru à vélo plus de la moitié d’un pays en guerre.

La famille Théry s’installe à Huisseau-sur-Cosson, puis au hameau du Greffier en septembre 1940, dans la commune de Vineuil. Lucien ne peut plus exercer sa profession de chauffeur de taxi en raison des restrictions de circulation et reprend alors son ancienne profession de jeunesse de bûcheron, pour le compte de la scierie Delcroix à Blois. Pierre prend ses responsabilités d’aîné et assiste son père dans les bois dès juin 1940, plus tard rejoint par Serge en 1941. Les autres enfants fréquentent l’école de Vineuil et Madeleine entretient un jardin potager au Greffier pour produire l’alimentation du foyer. Mais la vie est difficile pour des réfugiés mal intégrés et qui dépendent des allocations de l’État français.

Pierre est un garçon sociable qui fait de nombreuses rencontres à Vineuil et au-delà. Il se lie notamment d’amitié avec la famille Fromet, les voisins du Greffier, et Muriel et Betty Gardnor-Beard de Nanteuil. En janvier 1943, il est recruté dans le réseau SOE Buckmaster « Adolphe » de Pierre Culioli, spécialisé dans la réception de parachutages depuis Londres, probablement par la mère de Muriel et Betty, la comtesse Anne-Marie de Bernard. Après la chute du réseau en juin 1943, Pierre se rapproche du mouvement Libération-Nord, plus spécialisé dans la propagande anti-nazie. Il est embauché comme auxiliaire à la Préfecture de Loir-et-Cher en septembre 1943, affecté au bureau du courrier. Avec certains supérieurs et collègues, anciens membres de « Adolphe » et actuels membres de Libération-Nord, il profite de sa nouvelle profession pour imprimer des bons de solidarité pour les réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) et des tracts anti-nazis, puis les distribue. À la fin de l’année 1943, le groupe est composé de Jean Galliot, le chef du groupe, Pierre Théry, le sous-chef, Gérard Dubois, imprimeur, Jeanne Caumont et Simone Pinault à la Préfecture et de Guy Péan à la Poste. Ils sont en contact avec la Résistance socialiste et communiste, notamment le syndicaliste Charles Talamas et Tanis Monprofit à l’usine Bronzavia, Paul Berthereau à Saint-Gervais-la-Forêt et avec les Forces unies de la jeunesse patriotique (FUJP) de Raymond Barbier. En décembre 1943, Pierre souffre cependant d’une première pneumonie.

Au début du mois de mars 1944, Jean Galliot est arrêté par la police allemande, la Sipo-SD, de Blois, après la découverte d’un tract à Bronzavia. Pierre est ensuite recherché à partir du 14 mars 1944 et, craignant des représailles contre sa famille, il se rend spontanément au siège de la Sipo-SD le 21 mars 1944. Il a presque 19 ans. Il est alors incarcéré à la maison de correction de Blois, avec 22 autres membres supposés de la Résistance progressivement arrêtés. C’est là qu’il écrit ses dernières lettres à ses parents et amis. Il est ensuite transféré à la prison de Fresnes dans le Val-de-Marne le 27 mai 1944, avant d’être déporté en Allemagne, avec 13 de ses camarades inculpés.

Le 16 juin 1944, Pierre est déporté au camp de concentration de Natzweiler en Alsace, en même temps que 62 autres détenus français. Il y reçoit le matricule 17 286 et le statut NN, Nacht und Nebel, qui concerne les déportés résistants étrangers privés de liens avec l’extérieur et devant disparaître dans le secret. Il est alors affecté au Block 11. En juillet 1944, il souffre d’une nouvelle pneumonie qui est soignée à l’infirmerie du camp, au Revier, probablement par un médecin détenu. Début septembre 1944, en raison de la progression américaine en France, le camp de Natzweiler est évacué et le 4 septembre, Pierre est transféré à Dachau, près de Munich, avec plus de 5 500 autres déportés. Il y reçoit le matricule 102 385 et est classé comme Schutzhaft, c’est-à-dire détenu politique. Dès le 8 septembre, il est affecté au Kommando d’Allach, un camp satellite de Dachau, comme Hilfsarbeiter, auxiliaire de travail. Le 22 octobre 1944, il est déporté au camp de Neuengamme près de Hambourg avec le matricule 62 317, où il arrive le 25 octobre. Il disparaît à 20 ans dans l’évacuation de ce camp en avril 1945, succombant certainement aux « marches de la mort » ou au bombardement britannique des navires dans la baie de Lübeck, transportant malheureusement plus de 6 500 déportés. Cinq de ses camarades de Résistance meurent comme lui en déportation, notamment Gérard Dubois, Paul Berthereau et Raymond Barbier.

Après la guerre, sa mère Madeleine engage plusieurs procédures pour faire reconnaître l’activité résistante de son fils. Pierre est déclaré disparu le 12 août 1947, puis déclaré mort le 13 mai 1950, au camp de Gross-Rosen, sans preuve concrète. Le 1er avril 1948, il reçoit à titre posthume la médaille d’argent de la Reconnaissance française. Le 28 mars 1953, il est homologué dans la Résistance intérieure française. Le 31 août 1956, il reçoit le titre de « déporté politique » et le 10 décembre 1956, il est déclaré « Mort pour la France ». Enfin, le 30 mars 1961, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre lui attribue la carte de combattant volontaire de la Résistance à titre posthume. Le nom de Pierre figure sur deux monuments à Blois, sur la place de la République et à la Préfecture.

Stanley Théry (petit-neveu de Pierre), Auteur de la biographie.

Bibliographie

–     Yves Chauveau-Veauvy, Réseau de Résistance SOE, Sologne, Berry, rives de Loire, Saint-Avertin, Alan Sutton, 2012.

–     Francis Cortambert, L’aventure du réseau Prosper-Adolphe, ONACVG du Loir-et-Cher, 2014.

–     Lucien Jardel et Raymond CASAS (éd.), Témoignages et récits sur la Résistance en Loir-et-Cher, Blois, Association pour le musée de la Résistance, 1994

–     Patrick Marnham, War in the Shadows, Resistance, Deception and Betrayal in Occupied France, Londres, Oneworld, 2020.

–     Joseph de la Martinière, La procédure nuit et brouillard, tome III, 3e liste alphabétique, Natzweiler, Nord-Pas-de-Calais, Lignières-de-Touraine, Les Carrés, 1997.

–     Robert Steegmann, Struthof, Le KL-Natzweiler et ses kommandos : une nébuleuse concentrationnaire des deux côtés du Rhin, 1941-1945, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2005.

Documents

 
Dossier personnel de Pierre au camp de Natzweiler-Struthof.
Carte de détenu de Pierre au camp de Dachau.

       Sources

            –     Biographie de Pierre Théry sur le blog « Généalogie Théry-Mahieu », 29 mars 2022 :      https://genealogiethery.wordpress.com/2022/03/29/pierre-jules-alexandre-thery-1925-1944/

          Archives départementales du Pas-de-Calais :

          –     M 4303, Recensement de la population d’Éperlecques, 1921.

          Archives départementales de la Somme :

          –     6M 10, Recensements de la population d’Ailly-sur-Noye, 1926.

          Archives départementales du Nord :

          –     M474 6/06, Recensement de Coudekerque-Branche, 1936.

          Archives départementales du Loir-et-Cher :

          –     2W 60, Dossiers du personnel administratif de Préfecture, après 1940, noms de TAV à THO.

          –     588W 7, Registres des réfugiés secourus, commune de Vineuil, 15 décembre 1940.

          –     588W 19, Fournitures scolaires : correspondance, liste des enfants bénéficiant d’une allocation, 1940-1941.

          –     588W 48, Hébergement ; répertoire nominatif indiquant les lieux d’hébergements des réfugiés, cahier des réfugiés du canton de Blois et Lamotte-Beuvron.

          –     1375W 73, Dossiers individuels des personnes arrêtées et condamnées par les Allemands, dossier n° 1 355, « Arrestations de Bronzavia le 8.3.44 ».

          –     1652W 20, Dossiers individuels de renseignements, dossier n° 1 114, Pierre Théry.

          –     1693W, Cartes de combattants volontaires de la Résistance, dossier n° 1 625, Pierre Théry.

          Archives municipales d’Éperlecques, Dunkerque et Coudekerque-Branche.

          Service historique de la Défense :

          –     GR 16P 567 405, Dossiers individuels du bureau Résistance, Pierre Théry.

          –     GR 28P 11/114, Dossiers individuels des agents du BCRA, Pierre Théry.

          –     AC 21P 543 646, Dossiers individuels des déportés et internés résistants, Pierre Théry.

          Archives de la famille Théry et témoignages de Guy Théry, Betty Gardnor-Beard, Renée Péan et de Jeannine Péan.

          International Tracing Service de Bad Arolsen.