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Henri de la Vaissière

Henri de la Vaissière

Henri de la Vaissière nait à Saumur le 14 décembre 1901, où son père, sous-lieutenant au 30èmeDragon était en poste.

Après un parcours d’études classiques, le jeune Henri est admis en qualité d’élève-officier à l’Ecole  Spéciale Militaire de Saint-Cyr, le 26 octobre 1920.Il partage alors la vie de la promotion 1920/1922 « Devise au Drapeau », reçoit son galon de Sous-Lieutenant le 1er octobre 1922 et sur sa demande se voit classé dans l’Armée de l’Air le 28 mars 12923.

 Breveté « observateur en avion » le 1er février 1923 et « pilote d’avion » le 1er septembre suivant, il va prendre part, de juin à octobre 1925 à la guerre du Rif, aux confins du Maroc Espagnol et Français.

 A la fin du conflit en mai 1926, le Lieutenant de la Vaissière, alors au 2ème

Groupe d’aviation d’Afrique, reçoit ses premières distinctions militaires pour sa bravoure et la qualité d’execution des missions qui lui sont confiées.

           Après un séjour à Oran en 1927, le voici de retour en métropole où il est affecté à la base aérienne de Tours, au 3ème régiment d’aviation. Il fonde une famille avec une jeune fille du Loir-et-Cher dont les racines familiales plongent au cœur de la Sologne, à Lassay-sur-Croisne, et se prend de passion pour ce lieu d’étangs et de forêts guère éloigné de Tours, accumule des heures de vol (3000h à 1934).

           Promu Capitaine en mars 1930, il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur en décembre 1934. il est admis à l’Ecole de Guerre en 19 ;35, d’où il sort Breveté d’Etat-Major en 1937 ;il est alors affecté à la base d’Aix-en-Provence et y est promu Commandant en 1938.

Dès le début du conflit avec l’Allemagne, il n’a de cesse d’échapper à l’Etat Major pour rejoindre une unité combattante et se voit confier le 1er mai 1940 le Groupe de Reconnaissance Aerienne 2/14 dans la zône d’opération de Valence. Ce groupe, équipé de 9 bimoteurs Potez 63 répartis en deux escadrilles, opèrera des reconnaissances sur les colonnes allemandes au nord de Lyon et les massifs montagneux du Nord de l’Italie, entrée en guerre le 10 juin 1940.

A l’Armistice (22 juin 1940), le groupe rejoint le terrain d’Avignon, échappe à la dissolution et passe à l’armée d’Armistice.

Le 27 juin 1940, il reçoit la Croix de Guerre avec Etoile d’Argent et sa 2ème citation à l’ordre de la division.

Le 11 novembre 1942, les Armées Alliées débarquent en Afrique du Nord. Le Maréchal demande de résister à ce qu’il appelle » l’invasion de l’Algérie ». Les Allemands répondent par l’occupation de la Zône Libre, qui va aboutir à la dissolution de l’Armée d’Armistice. Peu après, le 1er décembre 1942, Henri de la Vaissière est démobilisé à Aix-en-Provence et déclare se retirer à Lassay-sur-Croisne. C’est en prenant son congé d’Armistice qu’il va devoir signer l’engagement suivant : « Je reconnais par la présente avoir eu connaissance de la communication du haut commandement allemand : » Toute action hostile envers le Reich allemand ou toutes mesures dirigées contre les puissances de l’Axe dont un officier ou un fonctionnaire de l’armée ayant rang d’officier démobilisé de l’ Armée française de transition après le 10 novembre 1942 se rendra coupable entraînera les conséquences les plus graves pour lui-même et pour sa famille. Le corps des officiers est responsable en sa totalité de l’attitude de chacun. »

Mais il n’était pas dans son tempérament de mener au milieu des bois solognots l’existence d’un propriétaire campagnard : il entre alors en contact avec l’O.R.A., d’abord dans la Nièvre, dans un réseau. L’expérience de la lutte clandestine fut précieuse mais faillit mal se terminer :il échappa de peu à l’arrestation à la suite du démantèlement de son groupe par la Gestapo.

Revenu dans le Loir-et-Cher, il fut désigné dès le 1er février 1944 commandant de l’O.R.A. pour le Loir-et-Cher et commandant des F.F.I. Il prit le pseudonyme de VALIN. Il divise le département en 6 secteurs et place à la tête de chacun un officier de l’O.R.A., avec notamment le Commandant Verrier pour le secteur de Vendôme et le Capitaine Judes pour le secteur de Blois.

VALIN va alors se partager entre les réunions clandestines dans les bois, d’un bout à l’autre du département, de jour comme de nuit, souvent en vélo, avec les maquis, les liaisons avec l’O.R.A. Sans oublier qu’il doit se soumettre une fois par mois à Blois au contrôle imposé par la Kommandantur pour attester sa résidence.

Dans les bois de la Mothe se dissimulent deux maquis : l’un, commandé par Ch. Ferlampin, dit Charlot, et le second sous les ordres de R. Taullé ; ces deux maquis sont tenus par les FTPF, d’obédience communiste. Les opinions politiques de Charlot étaient éloignées de celles de l’aristocrate chrétien qu’était le Vicomte Henri de la Vaissière, mais la même passion de résister à l’occupant animait ces deux hommes et ceux qui les suivaient. C’est pour avoir abrité chez lui ces deux maquis FTP que VALIN fut appelé le » Colonel Rouge » …

VALIN va faire l’unanimité des résistants actifs en Loir-et-Cher. Il va s’imposer à celui que Londres avait envoyé pour être le responsable militaire du département. 

La direction du Front National FTPF demanda à ses membres « d’obéir aux ordres du Colonel Valin, chef départemental des FFI et à se plier à la discipline la plus stricte. »

On peut se demander à quoi ressemblait le quotidien d’un responsable de la Résistance : quelques souvenirs rapportés par son épouse peuvent nous éclairer.

Qu’on en juge : » Ce furent dans cette demeure de Sologne des va et vient mystérieux, de messieurs à bicyclette, se disant du Génie Rural ou des Ponts et Chaussées…Il y en avait des jeunes, des moins jeunes, des minces et des gros arrivant essoufflés ! La chambre Bleue avait souvent des occupants ! Et ce furent de longs conciliabules mystérieux dans le salon…La pensée quotidienne d’un danger omniprésent, les réveils soulagés que ce ne fut pas cette nuit-là la visite des allemands…

            Le Colonel fut appelé à Blois pour ses responsabilités départementales. M.S.* fut mise à l’abri chez nos amis B…*

            Autres va- et -vient, très différents, de ceux qui avaient besoin de quelque chose, ceux qui venaient se faire soigner. Le Colonel, de Blois, envoyait de petits mots par les agents de liaison, cherchant un abri pour la nuit…

            La vie continuait, les veillées avec de mauvaises bougies de suif, tous autour du petit poste anglais parachuté, dans une communauté d’inquiétudes et d’espoir, de fraternité et de connaissance mutuelle qui fut si bonne…

            Mais cette Libération tant attendue qui tardait, avec les allemands si près encore ! Jusqu’au 26 août et l’apparition émotionnante du Colonel en tenue d’aviateur, venant visiter le maquis qui s’était transporté vers les Hauts de Bezard… »

A mesure que se dessinait la fin inéluctable de l’occupation nazie, des actions de plus en plus audacieuses furent réalisées, culminant avec l’opération commando   qui libéra 183 prisonniers politiques détenus dans la prison de Blois le 10 août 1944.

C’est dans ce contexte de ferveur que ces actions aboutirent à la libération totale du Loir-et-Cher( le 11 août à Vendôme et le 16 août à Blois-rive droite), renforçant la confiance et l’attachement que tous les combattants FFI-FTP éprouvaient envers leur chef, car, comme l’écrit Raymond Casas  dans « les volontaires de la Liberté », » VALIN savait écouter non seulement les chefs politiques de la Résistance et ses officiers, mais aussi les sans-grade, les petits, ceux dont l’histoire ne retient pas les noms , bien que leur sang soit l’encre avec laquelle elle s’écrit . »  En atteste l’appel daté du 28 août, placardé sur tous les murs du département libéré, « Aux FFI du Loir-et-Cher », invitant tous les jeunes résistants à continuer la lutte jusqu’à la libération finale et à rejoindre l’armée régulière en cours de reconstitution.

Après une brève mission au Ministère de l’Air à Paris, dont l’ambiance décalée ne lui convenait pas, il refuse le commandement de la Région aérienne de Tours : son souhait est de retrouver les compagnons de résistance avec qui il a tant qui  partagé). Aux premiers jours de septembre 1944 ses rêves se réalisent et il reçoit l’autorisation de créer, à partir des anciens volontaires des F.F.I., le 4èmeRégiment d’Infanterie de l’Air qui va rassembler 1100 jeunes accourus dans l’enthousiasme, répartis en deux bataillons : le 1er, à la caserne Maurice de Saxe à Blois, sous les ordres du Commandant Judes et le 2ème au quartier Rochambeau à Vendôme, sous les ordres du Commandant Verrier.

Un extrait d’une lettre écrite par Valin à sa mère le 3 octobre 1944 pourra éclairer sur les sentiments d’admiration qu’il avait pour ses hommes : » je suis bien réconforté par l’immense bonne volonté de tous ces jeunes qui ont un idéal qui n’est pas leur bourse ou leur coffre-fort comme la plupart des gens dits bien-pensants, mais la libération d’abord et ensuite le relèvement de leur pays. Il y en a qui ont tout lâché pour prendre le maquis et chasser le fritz ; combien de « bourgeois » l’auraient fait ! Je suis peut-être aussi révolutionnaire que vous et je me sens plus près de tous ces braves types que des gens de mon milieu. J’ai eu 2500 hommes sous mes ordres et là-dessus, j’ai déjà 1000 engagés pour la durée de la guerre, qui ne demandent qu’à s’instruire et à aller se battre. Quand on s’est rapproché du vrai peuple de France, on le comprend, il vous comprend et la haine des classes devient une fumisterie, ce qu’il faut arriver à réaliser. »

Après deux mois de formation militaire intensive, les deux bataillons font route vers Lorient, où la 25ème armée allemande du Général Farmbacher défend l’arrière-pays de la colossale base navale d’où partaient les sous-marins allemands, causant les ravages que l’on sait dans les marines alliées et les convois civils.

25 000 soldats aguérris, retranchés dans leurs places fortes, dotés d’une puissante artillerie sont assiégés par la 19ème Division d’Infanterie » Bretonne », à laquelle le 4ème RIA, équipée de bric et de broc, vient prêter main-forte : le 1er bataillon à Carnac/Quiberon et le 2ème à Auray/Nostang.

Les engagements contre l’ennemi ne tardent pas et dès le 1er décembre les premiers soldats tombent à Nostang.

Cependant un drame survint le 19 décembre à Auray au Q.G. de la caserne Duguesclin : un sous-officier qui n’avait pas été retenu pour la Bretagne vint demander des comptes à ses officiers ; de cette irruption, sans témoin, du soldat dans le bureau du Colonel Valin et du Commandant Verrier on peut juste conjecturer ce qui s’y dit : tous deux furent assassinés par le soldat rebelle, qui une fois les meurtres accomplis, retourna l’arme contre lui.

Le 4ème R.I.A., renommé alors « Corps Franc de l’Air Valin de la Vaissière » combattit avec courage et abnégation. 19 soldats et officiers y perdirent la vie et 160 y furent blessés. Enfin le 11 mai 1945 arriva la réddition totale de la 25ème armée et de son chef, le Général Farmbacher.

Bibliographie

Casas Raymond, Les Volontaires de Liberté ou les FFI du Loir-e t-Cher (1944-1945). Témoignages et récits sur l’ historique du Corps Franc de l’Air Valin de La Vaissière (Bataillon FFI du Loir-et-Cher), Amicale des anciens du CFAVV, Blois, 1982
Verrier Philippe, Charles Verrier au service la France, CPE Centre, 2015

Documents

Légende de vette photo :
Henri de la Vaissière dit Valin, né le 14/12/1901 à Saumur (Maine et Loire) D.C.D le 19/12/1944 à Auray (Morbihan)
Photo prise par mon père _ Pierre Duvert (volontaire) 1er Bataillon,4ème Compagnie. (Bracieux 41). Il a écrit au verso “A mon chef regretté”

Pierre Duvert : dossier de résistant GR 16 P 206754

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